« Tout a débuté par un essai, consacré à quelques-uns des problèmes esthétiques et moraux que pose l'omniprésence des images photographiques : mais plus je réfléchissais à la nature des photographies, plus elles devenaient complexes et suggestives. Si bien qu'un essai en engendra un autre, qui à son tour (à mon grand étonnement) en engendra un troisième, et ainsi de suite, chacun ajoutant un maillon à une chaîne d'essais sur le sens et la vie des photographies, jusqu'à ce que je fusse allée assez loin pour que le développement esquissé dans le premier essai, étayé puis prolongé dans les suivants, pût être récapitulé et généralisé de façon plus théorique. Et trouver son terme. [...] Écrire sur la photographie, c'est écrire sur le monde. Et ces essais sont en fait une méditation prolongée sur la nature de notre modernité. » Susan Sontag Sur la photographie est une étude de la force des images photographiques qui s'insèrent continuellement entre l'expérience et la réalité. Sontag développe plus avant le concept de « transparence ». Lorsque tout peut être photographié et que la photographie a détruit les frontières et les définitions de l'art, un spectateur peut aborder une photographie librement, sans s'attendre à en découvrir le sens. Ce recueil de six essais lucides et revigorants constitue une exploration profonde de la manière dont l'image a bouleversé la société.
Paru pour la première fois en 1977, Sur la photographie est devenu un livre culte sur le sujet.
Qu'est-ce qu'une contre-culture a? l'heure de l'image sur Internet ? Depuis une génération, quantité de photographes prennent le contre-pied des standards technologiques. Ces alternatives sont si nombreuses et passionnantes que l'idée d'un livre pour les rassembler s'est imposée. Éthique et écologie irriguent une création photographique en complète réinvention et rematérialisation.
Présentant 25 portraits d'anonymes coupés en deux, En tête-à-tête invite les joueurs à mémoriser les traits des différents visages pour mieux les reconstituer. Hommes, femmes, enfants, issus de différents continents, défilent ainsi sous les yeux de chacun, avec leurs propres spécificités.
Les portraits découpés de En tête-à-tête permettent également de s'amuser à mixer les visages pour créer des figures imaginaires. Une véritable ode à la diversité humaine !
Dans cet essai rédigé un an après le 11 septembre, Susan Sontag dresse un bilan des emplois de la photographie devant les souffrances de la misère et de la guerre. On prête volontiers aux images le pouvoir d'inspirer la protestation, d'engendrer la violence ou de produire l'apathie : autant de thèses que Susan Sontag réévalue en retraçant la longue histoire de la représentation de la douleur des autres - depuis Désastres de la guerre de Goya jusqu'aux documents photographiques de la Guerre de Sécession, de la Première Guerre mondiale, du lynchage des noirs dans le sud des États-Unis, de la guerre civile espagnole, des camps de concentration nazis, aux images contemporaines venues de Bosnie, de Sierra Leone, du Rwanda ou d'Israël et de Palestine.
Comment la photographie a-t-elle modifié la perception des évènements dramatiques au fil de son histoire ? Peutelle provoquer le rejet total et sans concession de la guerre et de sa violence ? Ou du moins permettrait-elle de mieux comprendre les causes et les conséquences des crimes et conflits passés ? Un texte d'une grande actualité sur le pouvoir des images et l'expérience de la guerre.
Par une toute nouvelle approche, ce livre présente la photographie sous toutes ses principales formes d'expérience, pour dépeindre les caractéristiques uniques de ce médium accessible et universellement attrayant. Classées chronologiquement, les photographies légendaires sont présentées aux côtés des livres photo et d'expositions importantes qui ont marquées un changement de perspective, de valeurs et d'approche. Présentant des reproductions époustouflantes avec de courts essais et des références clés sur chaque oeuvre signés par David Bate, ce titre est en passe de devenir l'une des références définitives sur le sujet et plaira non seulement aux lecteurs à la recherche d'une introduction, mais aussi également à ceux qui sont plus familiers avec le médium.
En 1978, le livre Skyline de Franco Fontana contribua à ouvrir la voie à la nouvelle photographie italienne par son radicalisme et son approche typiquement photographique. Ce fut aussi le premier livre des éditions Punto e Virgola fondées par Luigi Ghirri à Modena, un sacré label où se retrouvèrent avec lui à peu près tous les photographes importants de sa génération (Basilico, Jodice, Chiaramonte, Guidi, Salbitani, etc) dans un voyage qui les révéla tous au grand public. Le livre publié simultanément en France par Contrejour connut un énorme succès et fut réédité deux fois dans la même année.
Cet ouvrage de quatre-vingts pages, très simplement fabriqué, sans prétention graphique excessive, présentant une photographie par page fut l'aboutissement d'une oeuvre en pleine maturité, affranchie de tous les tics en vogue dans les photo clubs, la publicité ou le photojournalisme conventionnel.
Skyline ne faisait l'éloge d'aucune ville, ne vantait nulle production locale, il s'agissait d'un travail clos sur lui-même. Partant du réel tangible, en l'occurrence ici le paysage, et les lignes d'horizon, il excluait tous les éléments inutiles pour préserver l'essentiel, l'exaltation des formes et des couleurs. Fontana mit en code ses paysages familiers aussi bien que les étendues inconnues de telle façon que les signes, l'espace, la forme et la couleur devinrent les seuls éléments de l'image même lorsqu'il circulait à vive allure sur l'autoroute.
Avec Skyline, quelques mois avant le fameux livre Kodachrome de Luigi Ghirri et six ans avant Viaggio in Italia, Franco Fontana fut le premier à questionner les possibilités linguistiques du procédé couleur et les caractéristiques esthétiques de la photographie en réinterprétant personnellement le monde qui l'entourait tout en entamant une relecture du paysage italien.
Ce livre reprend l'édition et la couverture souple originale italienne autant dans son format que dans la présentation et le nombre de photographies comme l'avaient mis en page Paola et Luigi Ghirri. Afin d'améliorer la qualité, la photogravure a été refaite en partant des diapositives.
Le tirage est limité à 500 exemplaires.
L'exposition Franco Fontana se tiendra à la galerie Polka en septembre et octobre 2023 Franco Fontana et né à Modena en 1933. Il a débuté la photographie dans les années soixante créant au fil de ses expositions et de ses nombreux livres un langage personnel appliquée à la lecture de diverses typologies environnementales, des espaces urbains et des paysages.
Helmut Gernsheim ( 1913-1995), né à Munich fut un célèbre historien de l'art spécialisé en photographie qui découvrit la première image réalisée par Nicéphore Niépce en 1826. Il était aussi photographe et possédait une énorme collection de photographies.
Le présent recueil réunit les textes que Nicolas Bouvier a écrit sur la photographie entre 1965 et 1996. A de nombreuses occasions, l'auteur genevois avait parlé de son métier d'iconographe, notamment dans le petit livre Le hibou et la baleine, paru en 1993, mais sa réflexion sur l'acte photographique restait à découvrir. Jusqu'à ce jour, les écrits qu'il a dédié à ce sujet (préfaces, articles de presse, introductions à des catalogues d'exposition) restaient dispersés. Près de quarante textes se trouvent ainsi rassemblés ici. Parmis eux, certains relatent également son activité de « chercheur-traqueur d'images », qui aura été son gagne pain durant près de trente ans. Il nous a paru intéressant de les reprendre ici, d'autant plus que quelques-uns de ces textes sont totalement inconnus et n'ont jamais été republiés.
Photographe à ses débuts (par nécessité), portraitiste (par accident), chroniqueur (« aliboron ») : la photographie est une constante dans le parcours de l'écrivain voyageur. Nicolas Bouvier s'intéresse à la photographie parce qu'il entretient un rapport passionnel à l'histoire de l'estampe. Les images qu'il affectionne n'appartiennent jamais à la « grande » peinture classique mais toujours à l'art populaire. Dans les textes qui composent ce recueil, il est beaucoup question de ses tâtonnements : l'important pour l'écrivain étant d'élaborer une esthétique de l'effacement puis de se « forger une mémoire iconographique ». Il tirera son enseignement de ses nombreux voyages et des recherches infatigables dans les bibliothèques du monde entier.
Si l'essor de la photographie a eu lieu dans un contexte intellectuel et spirituel précis (la culture technoscientifique, le positivisme, l'industrialisation), il convient de s'interroger sur le contexte actuel d'apparition de la post-photographie (la mondialisation, la virtualité, l'hyper-modernité).
L'excès et l'accès caractérisent la matière visuelle de cette nouvelle ère et nous incitent à reformuler les lois qui régissent nos relations à l'image. La post-photographie devient ainsi un contexte de pensée visuelle qui entérine la dématérialisation de l'image et de son auteur, et dissout les notions d'originalité et de propriété, de vérité et de mémoire.
Originaux et provocants, les écrits de John Berger sur la photographie font partie des textes les plus révolutionnaires du 20e siècle. Ils analysent les oeuvres de photographes tels qu'Henri Cartier-Bresson et Eugene Smith avec un mélange d'intensité et de tendresse, tandis qu'ils sont toujours portés par une implication politique réelle. À leur manière, chacun des ces essais tente de répondre à la question suivante : comment regardons-nous le monde qui nous entoure ?
Regroupant des textes issus de catalogues d'artistes, expositions, articles, etc., Comprendre une photographie est un voyage à travers les oeuvres de photographes divers, d' André Kertész à Jitka Hanzlová, en passant par Marc Trivier, Jean Mohr ou Martine Franck. Certains des articles regroupés ici ont déjà fait partie de choix de textes de John Berger publiés notamment aux éditions de L'Arche, Champ- Vallon ou Le Temps des Cerises, tandis que d'autres sont traduits en français pour la première fois. La présente sélection reprend l'édition anglaise intitulée Understanding a Photograph, établie par Geoff Dyer et publiée en 2013 chez Penguin Books.
« La photographie, pour ces quatre auteurs [ Roland Barthes, Walter Benjamin, John Berger et Susan Sontag ], a un intérêt particulier, mais ce n'est pas une spécialité.
Ils approchent la photo non avec l'autorité de curateurs ou d'historiens du médium mais comme essayistes, comme écrivains. Leurs textes sur le sujet ne sont pas tant les produits d'un savoir accumulé que la consignation active du mode ou processus d'acquisition et de compréhension d'un savoir. » Geoff Dyer, extrait de l'introduction à Comprendre une photographie
Dès son invention, la photographie fascine. Ses adeptes sont toujours plus nombreux. Nous vivons aujourd'hui dans un monde saturé d'images. Prises autant par des artistes, des professionnels, que par des amateurs, elles nourrissent nos mémoires, sont exposées au musée, affichées dans la rue, publiées dans des livres et des journaux, elles circulent sur les écrans. La photographie a pour singularité d'être au croisement des techniques, des sciences, de l'art, de l'intime, du commerce, de l'information. D'apparence accessible, elle se révèle complexe, d'autant qu'elle se réinvente sans cesse, dans ses pratiques comme dans ses formes, pour répondre à des usages qui évoluent.Fort de son principe de clés historiques, techniques et esthétiques rigoureusement articulées, ce nouveau guide de la collection Hazan nous invite à mieux décrypter des images réalisées de 1838 à nos jours, le plus souvent par des auteurs de premier plan.Qui sont les photographes ? Pourquoi photographient-ils ? Comment abordent-ils un sujet ? Comment les images sont-elles diffusées ?En huit chapitres et plus de 240 photographies commentées, les auteurs proposent un tour d'horizon original, pratique et intelligent.
Avec poésie et douceur, Carasco nous initie à l'art du cyanotype, procédé alternatif de photographie qui transforme les végétaux en de magnifi ques tableaux bleu de Prusse.Entre errances contemplatives, cueillettes joyeuses, chimie et alchimie, ce livre nous invite à participer à une expérience artistique unique dans laquelle le temps est suspendu, le soleil complice, et l'eau magicienne.En explorant la technique du cyanotype, vous apprendrez à écouter la nature, à respecter ce qui vous entoure, à jouer avec les éléments au fil des saisons et à maintenir ainsi un lien fort et puissant avec le vivant.Derrière le nom de «Carasco» se cache Émilie Lacour, à la fois artiste et conteuse : elle se plaît à exploiter les brèches, celles du ciel qui laissent passer la lumière, celles des vieilles pierres entre lesquelles poussent à nouveau les petites herbes, celles du réel qui offrent un chemin à la poésie.
Des flâneurs aux jardiniers urbains, des membres d'associations locales à l'équipe de rugby féminin, Camilo Leon-Quijano donne à voir et à entendre la ville de Sarcelles, symbole de la cité-dortoir de région parisienne, dans sa complexité et sa richesse, libérée des caricatures et des idées reçues sur la banlieue.
Le travail du photographe ne vient pas simplement s'ajouter à celui de l'anthropologue, il en est le coeur. L'image devient ainsi l'instrument privilégié de l'enquête de sciences sociales qui se révèle, au-delà du béton, sensible aux humanités.
Écrivain mondialement connu, surtout après la publication de A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie (Gallimard, 1990), mais aussi photographe, critique, scénariste, cinéaste, Hervé Guibert (1955-1991) n'a cessé de questionner les images.
« Ceux qui se livrent à l'écriture, sans doute, ne peuvent plus écrire comme autrefois, du temps d'avant l'image photographique, télévisuelle, cinématographique ». Écrire sur l'image, son rapport à la mort et au désir tout en y tissant une trame autobiographique sera le propre de son livre L'Image fantôme (Minuit, 1981). Dans Des aveugles (Gallimard, 1985), les mêmes thèmes sont explorés à partir de l'envers du visible. Dans toute son oeuvre, Guibert a travaillé sur l'envers des images et sur les ficelles cachées des marionnettes du réel (aveuglement, incognito, faussaires, fictions, leurres, fantômes, cires anatomiques, etc.) sans jamais réduire le visuel au vu ou à l'aperçu et en donnant tout son sens à la notion de visible. D'un autre côté, sa pratique de photographe, par exemple dans Suzanne et Louise, un roman-photo sur ses deux tantes (1980, 2005 et 2019), se confronte sans cesse à l'écriture.
Le livre, sur une idée des philosophes Claire Pagès et Vincent Jacques, réunit une dizaine de contributions et entretiens sur la question du visible dans l'oeuvre (littéraire, photographique, cinématographique, critique) d'Hervé Guibert.
Entre fantasmagorie et documentaire, comment définir l'écriture hybride de Guibert ? Si l'écrivain s'est interrogé sur la spécificité photographique à l'égard de la tradition picturale, explorant la dimension du reportage, nous pouvons questionner en retour la particularité de l'écriture en lien avec l'image photographique.
On a beaucoup écrit sur l'écrivain, un peu moins sur le photographe : la thématique transversale de cet ouvrage permet d'aborder différemment l'oeuvre littéraire, mais aussi de la saisir comme pensée de l'image et de la situer dans le contexte de la réception de son oeuvre.
Boubaker Adjali ( 1937-2007) abandonna le Lycée pour réjoindre la lutte armée au sein de la Fédération de France du FLN, blessé, mis au vert d'abord en RDA puis étudiant en Cinéma à la mythique FAMU ( Emir Kusturica, Milo? Forman, Mohammed Lakhdar-Hamina). À l'indépendance, âgé d'à peine 23 ans , il occupera des fonctions de premier plan au sein de la Commission centrale d'orientation du FLN. Après le coup d'état conduit par Houari Boumediene, il s'éloigne des arcanes du pouvoir jusqu'à son départ définitif en 1967 pour New-York, où il sera le correspondant attitré d'Africasie. Pendant près de 40 ans, Boubaker Adjali fort des amitiés indéfectibles qu'il noua dans le sillage des conférences de Bandung et de la Tricontinentale fut un révolutionnaire et anticolonialiste sans affiliation ni chapelle qui mi-Capa, mi- Curiel mit ses compétences de photographe et documentariste, de polyglotte et fin analyste géopolitique au service de la SWAPO, , l'ANC, le Fretilin ( Timor) .
Alors que tout semble promettre la photographie, activité sans traditions et sans exigences, à l'anarchie de l'improvisation individuelle, rien n'est plus réglé et plus conventionnel que la pratique photographique et les photographies d'amateurs.
Les normes qui définissent les occasions et les objets de photographie révèlent la fonction sociale de l'acte et de l'image photographique éterniser et solenniser les temps forts de la vie collective. aussi la photographie, rite du culte domestique, par lequel on fabrique des images privées de la vie privée, est-elle une des rares activités qui puisse encore de nos jours enrichir la culture populaire : une esthétique peut s'y exprimer avec ses principes, ses canons et ses lois qui ne sont pas autre chose que l'expression dans le domaine esthétique d'attitudes éthiques.
Recadrant notre vision de la mode, la légendaire photographe Annie Leibovitz partage ses images iconiques et indélébiles.
« En regardant mon travail, je vois que la mode a toujours été là », constate Annie Leibovitz dans la préface de cet ouvrage. « Mais pour moi, la photographie passe toujours avant. Et elle est si vaste qu'elle englobe le journalisme, le portrait, le reportage, les photos de famille, la mode...
Mon travail pour Vogue m'a orientée vers un type de photographie que je n'aurais peut-être pas exploré autrement. »
La légitimité culturelle et artistique de la photographie est récente. Longtemps tenue pour un simple outil dont on se sert, elle est désormais, dans les galeries et musées, contemplée pour elle-même.Apparue avec l'essor des métropoles et de l'économie monétaire, l'industrialisation et la démocratie, elle fut d'abord l'image de la société marchande, la mieux à même de la documenter et d'actualiser ses valeurs. Mais si elle convenait à la société industrielle moderne, elle répond aujourd'hui difficilement aux besoins d'une société informationnelle, fondée sur les réseaux numériques.La photographie est donc l'objet de ce livre : dans sa pluralité et ses devenirs, du document à l'art contemporain ; dans son historicité, depuis son apparition, au milieu du XIX? siècle, jusqu'à l'alliage présent «Art-photographie» qui conduit André Rouillé à distinguer «l'art des photographes» de «la photographie des artistes».
Les photos argentiques étaient des images-choses statiques, à regarder.
Les photos numériques sont des images dynamiques, à échanger. Elles circulent en flux ininterrompus sur les réseaux planétaires : à la fois incorporelles et agissantes, ce sont des forces à part entière.
Elles instillent subrepticement et continûment dans la subjectivité de chacun la rationalité néolibérale : instantanéité, accélération, fluidité, circulation, horizontalité, partage et ubiquité. Cette dissémination du modèle du marché - même là où il n'est pas question d'argent - fait exploser les anciennes limites entre l'ici et l'ailleurs, la nation et le monde, le privé et le public.
Dans le sillage de Theodor Adorno qui a théorisé l'art comme fait social, l'auteur, un des meilleurs connaisseurs de l'histoire de la photographie et des images, élabore une critique globale des processus esthétiques, techniques, économiques et politiques à l'oeuvre actuellement.
Il montre comment la photo-numérique a ouvert une nouvelle ère qui se caractérise par la profusion d'images aberrantes, l'apparition de nouveaux pouvoirs, l'essor d'une nouvelle économie et la fabrique d'un individu néolibéral.
Si on le connaît surtout pour ses photographies dans le domaine de la mode, Paolo Roversi n'est surtout pas photographe « de » mode. Ce grand connaisseur de la photographie - qu'il collectionne avec un goût très sûr -, cet amateur, au plus beau sens du terme, de livres qui, dès sa jeunesse l'ont familiarisé avec les classiques comme avec les auteurs de sa génération, est photographe, tout simplement.
Il considère chaque photo comme un « portrait », qu'il s'agisse d'un visage, d'une robe, d'un paysage ou d'une cafetière, et affirme sa passion pour August Sander, Diane Arbus ou Richard Avedon. Et évidemment Robert Frank dont il fut proche. Simplement parce qu'il cherche à « placer au centre du monde » ce qu'il photographie, qu'il s'efface pour pouvoir éliminer et épurer au maximum. Avec une grande élégance.
Au début, cela n'a pas été facile. Le COVID 19 nous a empêchés de nous voir en face à face et nous avons dialogué par écrans interposés, ce que ni l'un ni l'autre n'aimons et qui ne se prête guère au type d'échange qui est la règle, la base et le fondement de ces discussions. Dès la première rencontre physique sur la terrasse du Studio Luce et malgré l'intempestif passage d'un hélicoptère, la parole est devenue plus fluide. D'autant que le lieu est accueillant, que le studio, dans un immeuble des années trente au sud de Paris fait cohabiter espaces de vie et de travail. Comme une évidence. Retrouvailles complices, échanges, partage. Et toujours cette bonne humeur élégante, ce sourire qui plisse au coin des yeux, ce rire fréquent et jamais haut, cet humour léger, une façon de ne pas se prendre au sérieux, une forme de prédestination au bonheur comme une décision de vie. On sent à chaque instant une exigence, par nécessité et, tout aussi forte, l'indispensable liberté qui ouvre les portes. Le rythme est souple, musical, à la fois ferme dans ses convictions et jamais arrogant. Français parfait et précis pour le plus italien des parisiens, ou, peut-être, le plus parisien des italiens. Peu importe, d'ailleurs. Oui, une évidente élégance. Comme, plus tard, dans son appartement lumineux au dernier étage d'un bel immeuble. Un univers habité, ni en désordre ni vraiment rangé, surtout pas arrangé. Un monde de livres, dès l'entrée et dans presque toutes les pièces. Des livres de tous types, poésie, roman, philosophie, littérature, photo évidemment, livres d'art et de remarquables exemplaires reliés de belles éditions anciennes- vu une originale de Paul et Virginie, un ouvrage de 1776 sur l'Italie avec des aquarelles magnifiques ou un exemplaire des oeuvres complètes de Jules César - qui viennent de son épouse, Laetitia, ancienne top model descendante des imprimeurs typographes Firmin Didot. Un monde de photographies, partout, dans toutes les pièces, au mur ou sur des rangements en bois à croisillons. Peu de photographies du maître des lieux, finalement, mais beaucoup de pépites, de Robert Franck - beaucoup - à Diane Arbus - dont le si rare autoportrait enceinte - à Kertész - un petit tirage inédit d'une vue de Paris -, plusieurs Shoji Ueda ou Louis Faurer. Et tant d'autres, mêlés à quelques photos de famille. Face à un mur entièrement couvert de photographies, bouleversant, un Lucio Fontana blanc, d'un format inhabituellement grand, très pur d'une seule entaille verticale. On aperçoit, dans une bibliothèque dont les portes vitrées protègent des livres particulièrement précieux, un petit paquet carré, emballage mystérieux des tout débuts de Christo. D'autres peintures au mur, dont une d'un ami. Ici, rien n'est décoration, on vit dans un environnement où l'art trouve tout naturellement sa place pour que l'on vive avec lui. On le respire. Mais il ne s'agit ni d'un musée, ni d'une monstration, encore moins d'une démonstration. Pas de logique, pas de hiérarchie, une manière plutôt d'autoportrait fait de bribes de souvenirs, de moments d'une vie, d'émotions préservées.
Nous n'avons, finalement, pas tellement parlé de mode. Sans doute parce que ce n'est pas vraiment le propos, même si celui qui dit avoir été fortement influencé par August Sander est catalogué comme photographe « de mode » et que c'est son activité professionnelle principale. Mais il est évident que pour celui pour qui « tout est portrait » l'enjeu, le seul, est la photographie. Donc la lumière. Et une indispensable liberté que l'on retrouve dans la façon d'évoquer et sa pratique et des souvenirs, de se dire sans toujours se dévoiler, avec une pudeur qui n'est pas un calcul ou une cachotterie.
La parole est fluide, les émotions et les souvenirs reviennent, les convictions, les commentaires, sans affectation. On se parle. Juste entre nous.
Entre 1840 et 1940, la Bretagne connaît une extraordinaire modernisation, première grande époque de changement avant d'autres encore... A contrario, bien des choses ne changent pas, ou guère. Une heureuse coïncidence fait que cette période correspond aussi à la diffusion de la photographie, entre les premiers daguerréotypes et la quasi-banalisation des appareils dans les années 1930.
Cet ouvrage exceptionnel a l'ambition de traiter en images le choc reçu par quatre générations, comparable à celui apporté par l'invasion du numérique dans notre présent. Déjà alors, chacun et chacune dans les villes, côtes et campagnes de Bretagne, perçoit le choc de la machine, de la technologie - la vision d'un chantier, d'un nouveau pont, l'arrivée du train, de l'automobile, de l'électricité, etc. Même si leur adoption plus ou moins rapide montre d'abord l'inégalité des conditions sociales. Cela conduit à juxtaposer des « costumes » et des modes urbaines, un char à boeufs et une automobile, une goélette sous voiles et un paquebot !
Les auteurs ont exploré plus de 120 sites d'archives, publiques comme privées, dépouillé 86 fonds et collections et étudié environ 150 000 photos, pour enfin sélectionner les plus riches. Un travail inédit dans sa nature et son ampleur. Tous les fonds connus et collections conservés en Bretagne, sans exception, ont été concernés. Cet ouvrage contribue à la valorisation d'un patrimoine breton presque entièrement inédit, inconnu jusqu'ici...
Leur précédent ouvrage « La Bretagne des photographes » (éd. PUR, 2012) a connu un énorme succès. Il reste un livre de référence inégalé... jusqu'à ce nouveau volume, complément indispensable.
Peter Lindbergh et Azzedine Alaïa, le photographe et le couturier, se sont retrouvés dans l'affection pour le noir, qu'ils cultivent de manière égale en tirages argentiques et en aplats vestimentaires. Lindbergh n'a cessé de faire appel au noir et au blanc pour incarner sa recherche d'authenticité dans les visages qu'il mettait en lumière. Alaïa puise dans le monochrome des vêtements intemporels, véritables sculptures pour le corps.
Ce livre immortalise le dialogue unique entre les deux artistes sur le papier. Ces images, qui illustrent leur communion spirituelle, célèbrent leur partenariat artistique et témoignent de leurs accomplissements hors norme dans l'histoire de la photographie et de la mode.
Bien que d'origines géographiquement opposées, Lindbergh et Alaïa ont touché des horizons proches. Alors que Lindbergh se faisait une réputation en Allemagne notamment grâce au magazine Stern, puis installait son studio à Paris en 1978, Alaïa devenait ce couturier pétri de discrétion dont les techniques sophistiquées s'échangent secrètement entre grandes clientes de haute couture.
Alaïa est l'architecte des corps, celui qui les révèle et les découvre, tandis que Lindbergh les ennoblit, éclaire leur âme et leur personnalité. Pas à pas, ils sont devenus les maîtres dans leurs disciplines créatives respectives. Tous deux rejettent les artifices qui nous distraient des vrais sujets et c'est avec une grande aisance qu'ils se sont retrouvés au gré de collaborations puissantes.
Les sources d'inspiration et les valeurs esthétiques qu'ils partagent transparaissent dans leur travail. Une plage au Touquet, les rues du vieux Paris soulignent leur amour commun pour le cinéma en noir et blanc et les vastes panoramas. Les sous pentes métalliques d'une salle des machines évoquent le souvenir d'un paysage allemand industriel chez l'un et renvoient au goût immodéré de l'autre pour le design fonctionnel et l'architecture. Les vêtements d'Alaïa sont autant de piédestaux pour les sourires et les regards des femmes qui les portent: Nadja Auermann, Mariacarla Boscono, Naomi Campbell, Anna Cleveland, Dilone, Lucy Dixon, Vanessa Duve, Helene Fischer, Pia Frithiof, Jade Jagger, Maria Johnson, Milla Jovovich, Lynne Koester, Ariane Koizumi, Yasmin Le Bon, Madonna, Kristen McMenamy, Tatjana Patitz, Linda Spierings, Tina Turner, Marie-Sophie Wilson, Lindsey Wixson. Pour Lindbergh, qui a bâti sa notoriété sur l'image de ces grands mannequins, seule comptait l'authenticité de leurs traits. L'union de leur talents forme un catalogue noir et blanc dense qui irradie de sincérité et de beauté. Ce livre accompagne l'exposition Azzedine Alaïa, Peter Lindbergh à la Fondation Azzedine Alaïa, 18 rue de la Verrerie, à Paris.
Avec des contributions de Fabrice Hergott, directeur du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Paolo Roversi, photographe, et Olivier Saillard, historien de la mode et directeur de la Fondation Azzedine Alaïa, à Paris.
Rien n'est plus grave que l'acte photographique. Pour un écrivain, s'y livrer c'est signer chaque fois un « départ d'orgueil ». C'est aussi abandonner à tout bout de champ les simulacres et les stratégies, échapper à la contrainte des persuasions, à la subtilité obligatoire des enchaînements. J'ajouterais même : au savoir-faire, si je n'étais sûr du contraire, sûr qu'il s'agit là d'un leurre qu'on rajoute tous les jours au débat sous une forme différente. Tout gain de liberté (et chaque instantané photographique en gagne) va de pair avec une augmentation de savoir-faire. C'est ça qui fait le style. Et c'est le vertige éprouvé à leur course commune, au sursaut qu'ils font sur l'abîme, qui définit bien sûr cet art.
D'où l'importance accordée tout au long de ce livre ? par le biais d'approches voulues aussi diversifiées que le sont l'essai, l'interview, la fiction, le journal intime, ou encore une série de photos commentées comme autant de schémas pensifs ? à la prise photographique elle-même, moment de sensation éperdue qui dit textuellement ceci : toute photo est une intelligence qu'épuise une lumière.
Les lucioles disparaissent peu à peu, cantonnées dans quelques réduits occasionnels de la nature. Mais tandis que ces charmants animaux à la lumière se font rares, nous autres photophores prenons le relais. La fabrication des photos ne laisse rien dans l'ombre, et surtout pas l'instant de folie pure qu'abrite le déclenchement de la photo.
Devant la gravité de telles certitudes, l'écrivain que je suis est renvoyé à la solitude, à l'angoisse, à la pénombre de sa durée. Mais à la beauté aussi, circulant entres elles et lui, qui valait bien le voyage.
Chaque photo répète la phrase de Proust : « Nous disions : après, la mort, après, la maladie, après, la laideur, après, l'avanie ».
On verra bien.
Denis Roche.